samedi 26 mars 2016

- Fêtes de Pâques en Ariège.

La Semaine Sainte.


Le mercredi des Cendres débute le Carême, période de 40 jours se terminant le jour de Pâques, le plus grand nombre va à la messe et à partir de ce moment-là plus personne ne touche à la viande. Dans le pays d’Olmes (Quérigut, Bélesta, Montferrier), on dit que les couleuvres se sont suspendues aux saucissons et aux jambons.

La Semaine Sainte est également très suivie en cérémonies religieuses et en traditions. À Varilhes, le Jeudi Saint de 1918, après le départ des cloches pour Rome, les enfants ont annoncé les offices avec des clochettes à main et une trompette en écorce à la bouche. Ils ont parcouru le village en criant, le matin :

Al prumer de l’0ufici !                     Au premier office !
Se te trapi, fesquissi !                       Si je te prends, je te frappe !

Ils firent de même pour les deux offices suivants. Mais le soir ils ont parcouru les rues pour annoncer le Stabat d’une manière différente pour, semble-t-il, faire enrager le curé :

An prumer del Stabat,                     À l’office du Stabat,
Se te trapi, fescagat !                       Si je te prends, je te casse la g…



En pays d’Olmes, à la fin du dernier psaume de la Pénitence au cours de l’office du Jeudi Saint, un petit tumulte se déchaîne « en souvenir de celui que les esprits saints déchaînèrent à l’instant de la mort du Christ». Ce tumulte était provoqué à l’aide de pipeaux, de fiuletos, (flûtes) taillés dans des branches de saule ou de châtaignier. Comme la confection de ces pipeaux, très délicats, demande beaucoup de précautions, le curé recommande de les fabriquer en récitant les formules conjuratoires qui se rapportent à cette opération; Ces pipeaux sont munis de trous et d’une sorte de piston que l’on déplace à volonté pour émettre toute espèce de sons. D’autres instruments interviennent à l’église : le rigo-rago (crécelle) ou l’oiseau en terre cuite rempli d’eau, pour imiter le chant du loriot ou du rossignol. Et pendant l’absence des cloches, que les petits croient parties à Rome, les enfants se font un plaisir de parcourir le village pour annoncer les offices à l’ aide de ces instruments.

Dans le Plantaurel de même, les enfants agitent des crécelles et sonnent de leurs trompettes durant l’office du Jeudi Saint (Saint-Jean-de-Verges, Saint-Jean-d’Orgibet, Gabre. . .). À Pamiers, les fidèles et eux seuls, se contentent de frapper sur le plat de leur missel avec les doigts.

D’une façon générale, on estime qu’il ne faut pas travailler le Jeudi Saint à partir de midi et le Vendredi Saint jusqu’à midi. Il faut en particulier s’abstenir de faire de gros travaux nécessitant l’emploi des animaux. Les femmes ne doivent pas faire le pain ce jour-là car cet aliment risquerait de se moisir pendant toute l’année, ni encore la lessive de peur que les poux ne se mettent sur le linge durant un an. Enfin, pour se préserver des fourmis, il est déconseillé de balayer dans la matinée du Jeudi Saint (pays de Foix). À Saint-Martin-de-Caralp et dans la vallée de l’Arget, on prépare un grand plat de pois car Notre Seigneur, prétend-on, aurait traversé un champ de ce légume ce jour-là.

À Larcat, les habitants croient que, le Samedi Saint, le serpent se suspend aux jambons. Et le prêtre fait la tournée des maisons pour venir bénir les salés ; sur un lit on lui laisse traditionnellement des œufs qu’il emporte pour faire son omelette de Pâques. À Pailhès, c’est la carillonneuse qui fait la quête des œufs, à la fois pour elle et pour le curé. Elle se rend jusqu’aux limites où l’on entend les cloches de l’église, celles-ci sont réputées pour préserver de l’orage.



À Loubens, Cazaux, Crampagna et Saint-Jean-de-Verges, ce sont les forgerons qui collectent les œufs destinés à l’omelette préparée par tout le village.

Dans la nuit qui précède le jour de Pâques, après minuit, les habitants de La Bastide-de-Sérou faisaient, avant 1914, une procession qui n’existait nulle part ailleurs, la « Visite des Croix ».
Les fidèles quittaient leurs maisons par petits groupes et sans parler. Ils allaient à l’église puis au cimetière pour prier devant la grande croix, et enfin devant les tombes de leurs proches. Ils rentraient ensuite par le même chemin et sans prononcer un mot. Le curé ne prenait pas part à cette procession.

La Semaine Sainte a son cortège de proverbes. En voici quelques-uns, parmi beaucoup d’autres :

Pascos banhados                                       Pâques mouillées
Seguelhs granados                                    Moissons abondantes

Pascos soulelhousos                                 Pâques ensoleillées
Garbos granousos                                     Gerbes bien pleines

Per Pascos marescos                                 Pour Pâques de mars
Cent toumbosfrescos                                Cent tombes fraîches

Ce dernier proverbe fait allusion à une croyance selon laquelle la mortalité est bien plus grande dans l’année lorsque la fête de Pâques tombe au mois de mars. Cela s’est produit cette année 1948 et le proverbe a été souvent répété.

La semano santo                                      À la semaine sainte
Le coucut que canto                                 Le coucou chante.
Se canto pas et que soi biu                       Sinon et s ’il fait beau
Se preparo un bel essieu                          On aura un bel été



Pâques.


Autrefois la vie quotidienne en Ariège n’a rien de drôle, la Pâques était une des rares occasions de faire la fête après ces quarante jours de privation. Pour pallier à l’insécurité ambiante, le paysan doit compter sur des appuis sûrs: la famille et la communauté villageoise. La religion, elle, est le secours de l’âme le miracle n’est-il pas toujours possible pour un croyant ? Comme deux précautions valent mieux qu’une, les sorciers et les guérisseurs offrent leurs services pour renforcer l’action de la prière, il est difficile quelquefois de discerner dans ces montagnes la limite entre la religion et la superstition.

On ne mangeait autrefois comme viande que ce nous appelons de la volaille et du porc qu’on conservait en salaison dans le gros sel ou dans la fumée de la cheminée. On mangeait aussi des œufs, très souvent en omelettes, aux herbes, ou avec du lard pour les paysans les plus riches. Les œufs étaient considérés comme de la viande puisqu’ils donneraient des poules et des poulets, s’ils n’étaient pas mangés avant, et ça les poules ne le savaient pas et continuaient à pondre.

Il fallait se priver pendant le carême car ce n’est pas une période de réjouissance. On se contentait alors de légumes (qu’on appelait souvent des racines : carottes, navets) et de fruits, mais il y en avait peu car la nature n’avait pas encore donné ses fruits.
La fête de Pâques est marquée par le retour des réjouissances en particulier celles de la table. Il y a donc un retour des œufs. C’est l’occasion pour les décorer richement car ils sont porteurs de signification : par la résurrection du Christ la nature est recréée mais plus belle encore qu’auparavant.

En Ariège comme dans toute la France la fête de Pâques donnait lieu à de nombreuses coutumes.


La quête des oeufs.


Dans les villages de l’Ariège, la semaine sainte était l’occasion de la traditionnelle quête des œufs. Les enfants de chœur parcouraient le village, mais ils se rendaient surtout dans les fermes et hameaux éloignés où l’on savait trouver des œufs en abondance. Avec leurs paniers à couvercle au bras, lorsqu’ils arrivaient en vue d’une ferme, l’orchestre des trompes se mettait à jouer. De temps en temps l’un des joueurs s’arrêtait de souffler dans son instrument pour crier :

Alleluia! Alleluia!
Un iôu en cado ma,
Le qu’a car n’en manjarà.
Le que n’a pos n’en cercarà.



ou bien encore :

J’ai un oiseau dans mon panier,
Je ne sais pas s’il veut chanter.
Donnez des œufs, il chantera.
Alleluia ! Alleluia !

Quelquefois venaient s’ajouter quelques couplets satiriques à l’adresse des artisans du village :

Alleluia pour les maçons,
Les cordonniers sont des fripons;
Et les tailleurs
Sont des voleurs,
Alleluia !

Arrivés dans la cour de la ferme, ils donnaient une aubade sérieuse pendant que les chiens, ameutés, jappaient à perdre haleine et que la volaille se sauvait à travers les jardins, prés et clôtures. Puis la bande montait l’escalier donnant accès à la vaste cuisine. La fermière connaissait les usages : les œufs étaient déjà prêts. Parfois, lorsque les quêteurs avaient affaire à des ménagères généreuses ou qu’ils savaient les flatter, ils récoltaient en plus de la saucisse ou du lard salé (bentrisco).
La quête des œufs était également faite autrefois par les personnes qui jouent toute l’année un rôle dans les services communs du village : carillonneur, fossoyeur, garde-champêtre, facteur.



Dimanche et lundi de Pâques.


La fin du Carême prend effet au matin de Pâques. À Loubens, on goûte alors les saucissons et jambons restés suspendus depuis la fête du cochon. Tout le monde se rattrape ce jour avec le saucisson maigre, le gras, les couennes et le saucisson de foie, car «il faut savoir s’ils sont bons avant de les enfermer dans le bahut où ils seront recouverts de cendre ».

Le dimanche de Pâques est considéré comme une grande fête. Dans la maison, la ménagère endosse les vêtements de fête après avoir confectionné le repas. Tous les membres de la famille et les enfants en particulier, porteront les plus beaux habits et se rendront à la messe. Dans les campagnes, de nombreux paysans ignorent le chemin de l'église tout le long de l’année, mais ils se gardent de manquer la messe de Pâques : ce jour-là, la maison de Dieu est comble.

Comme pour le Vendredi-Saint, on ne doit se livrer à aucun travail; les animaux ne sont pas attelés de la journée et on leur donne une meilleure ration au râtelier.

Le matin de Pâques, au petit déjeuner, on goûte les premiers saucissons : depuis la fête du cochon ils sont restés suspendus aux grosses poutres de la cuisine. Que ce soit le saucisson maigre, le saucisson gras, le saucisson de foie ou celui de couenne, toute la gamme y passe ; il faut bien savoir s’ils sont bons avant d’aller les enfermer au grenier, dans le grand coffre plein de cendres, aux côtés des jambons.

Le repas de midi est un véritable repas de fête avec tous les plats traditionnels de la grande fête locale : Coustellou, rôtis de volailles diverses, blanquette de veau, Moujetade. Mise à part une excellente salade, aucun légume n’apparaît sur la table ce jour-là. Viennent ensuite divers gâteaux délicieux qui ont été cuits au four allumé tout spécialement en cette occasion : grandes tartes aux pommes, dites croustados, madeleines volumineuses, des oeufs à la neige, des oreillettes.

Dans le domaine des superstitions, on est persuadé que le fait de pénétrer dans le cimetière et de creuser une tombe le jour de Pâques déchaînerait la mort sur toute la paroisse.

Le dimanche de Pâques est consacré à peu près exclusivement aux pratiques religieuses, messe le matin et vêpres l’après midi. Le lendemain lundi, est réservé à des réjouissances diverses.

Il y a tout d’abord la traditionnelle omelette de pâques préparée et dégustée en pleine nature, parfois à plusieurs kilomètres de sa demeure, dans un site agréable. Des groupes de jeunes gens et de jeunes filles se forment et s’acheminent joyeusement vers le lieu choisi. 
A Bélesta on se rend dans la vaste forêt de sapins, de réputation européenne ; à Montferrier et Montségur on escalade la colossale pyramide rocheuse au sommet de laquelle la vieille forteresse de Montségur réserve de douces pelouses, et surtout un panorama unique. On n’a pas manqué d’aller, quelques jours avant, à la recherche des morilles délicieuses et des tricholomes parfumés qui émergent déjà des mousses, car :

Per Pascos è per Pasqaetos      A Pâques et à Quasimodo 
I a mèrlos è mèrletos               Il y a des merles et des merlettes 
E moussarous en renguetos.    Et des mousserons en petites rangées



Des amis de Luzenac m'ont rapporté que dans les années 70 ils se rendaient au Signal du Chioula en famille pour réaliser et déguster l’omelette sucrée et flambée au Rhum.

A Pamiers a lieu, le lundi de Pâques, une grande fête hippique qui semble rappeler d’anciennes cavalcades.

Enfin, en ce lundi de Pâques, s’organisent à peu près partout des distractions « à la moderne », notamment des manifestations sportives diverses, mais surtout des bals qui dureront tout l’après-midi et une grande partie de la nuit, et qui rappellent les grands bals traditionnels d’autrefois.

Dans les fêtes de Pâques s’inscrivent aussi les croyances relatives aux fiançailles et au mariage : le dimanche Pascal, les jeunes mariés qui sauteront ensemble un ruisseau, seront assurés d’un bonheur parfait; danser sur une jonchée d’œufs sans en casser aucun sera également un très bon présage pour les fiancés.

On ne garde pas de souvenir de jeux particuliers ayant existé entre Pâques et le Dimanche de Quasimodo. Le dimanche de Quasimodo, qu’on appelait autrefois Pâques closes, se nomme en Ariège « Pasquetos » ou petites Pâques.

A la « Pasquetos », il était autrefois d’usage, pour les enfants, de recommencer la quête des œufs, mais non en qualité d’enfants de chœur. Ils partaient en bandes avec des paniers pour les œufs, mais aussi avec de longues tiges de fer à pointe effilée dans lesquelles ils enfilaient les morceaux de lard qu’ils récoltaient, voire parfois du jambon. Le Lundi de Pasquetos il était aussi d’usage de faire cuire des crêpes en plein air, sur l’herbe, et la jeune fille qui réussissait à retourner trois crêpes consécutives sans les faire tomber à terre, était sûre de se marier dans l’année.



L’omelette du Lundi de Pâques.

Cette Omelette est dans les Pyrénées une tradition lointaine. C’est un plat synonyme de Fête et de Bon Repas après le Carême et l’Hiver. On monte le plus souvent dans la montagne près d’un lieu Saint afin de la préparer et également la partager en famille ou entre amis. La recette ci-dessous :

Ingrédients pour 4 à 6 personnes :

• 6 œufs
• 2 tranches de ventrèche (ou lardons)
• 1 boutifare (boudin noir)
• 1 saucisse fumée
• 3 fonds d’artichauts émincés
• 2 oignons tendres
• 3 asperges vertes

Préparation :

On prépare tout d’abord un feu sur lequel nous y mettrons notre poêle. Oignons et ventrèche sont revenus dans la poêle, ensuite on ajoute les légumes découpés, la boutifare et la saucisse fumée coupées en morceaux, et enfin on termine par les œufs battus. L’omelette est cuite des 2 côtés. C’est prêt.




Les aquarelles sont de Michel Raluy.

1 commentaire:

  1. j ai bien lu !!!!!j ai vecu a PAMIERS orphelinat JEANNE D ARC rue PICONNIERES de mil neuf cent quarante à mil neuf cent cinquante !!!le lundi de paques on allait àVALS manger sur l herbe pres de l eglise !!!

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